Dès les débuts du cinéma, Gand connaissait une culture cinématographique très vivante. À travers toute la ville se trouvaient diverses salles de cinéma, allant de grands bâtiments imposants à de petits cinémas de quartier. Les salles Capitole, Savoy, Majestic, Plaza, Select, Eldorado, Century et Rex faisaient partie des plus de 30 salles de cinéma gantoises situées dans le centre-ville et les banlieues.
Sources : persblog.be, thèse de doctorat Gent Kinemastad de Lies van de Vijver, sogent, beeldbank.stad.gent, Roger Laute, Bart de Graeve
Gand, "Kinemastad"
À son apogée, la ville comptait une grande diversité de salles de cinéma. Au centre, on pouvait trouver de magnifiques palais du film, mais aussi de nombreux cinémas de quartier dans les banlieues de la ville. Le surnom de "Gand Kinemastad" est donc dû aux nombreuses salles en dehors du centre, telles que le Royal dans la Sleepstraat, le Novy à Brugse Poort, le Metro sur Ottergemsesteenweg ou le Ganda sur la Bevrijdingslaan. Le nombre total de salles était d'environ une trentaine en 1952. Mais seulement deux cinémas - le Capitole et le Vooruit - pouvaient accueillir plus de 1500 sièges, la plupart en avaient entre 500 et 700. Contrairement à la plupart des villes où les cinémas étaient situés dans des quartiers plus huppés, la majorité des salles de cinéma gantoises étaient situées dans des quartiers ouvriers.
Les anciens cinémas de Gand étaient parfois associés à l'empreinte idéologique des exploitants ou propriétaires de la salle, ce qui est aujourd'hui impensable. Le Vooruit et le Cameo étaient associés au mouvement socialiste. Le Plaza était associé aux libéraux, tandis qu'un certain nombre de petites salles portaient une empreinte catholique (le Casino, la Nova et le Pax). Mais le caractère politique et la couleur de l'exploitant de la salle se sont avérés finalement négligeables, les gens venaient surtout pour les films proposés.
La Velstraat, le Mecque des salles de cinéma de Gand
Autour de la rue commerçante la plus connue de la ville, on trouvait pas moins de cinq salles de cinéma : le Majestic, l'Eldorado, le Plaza, le Casino et un peu plus loin le Savoy. Ce dernier visait principalement un public francophone et diffusait beaucoup de bons films français. Pour se distinguer nettement de la concurrence, la programmation était primordiale. Ainsi, le Century était connu pour ses westerns et films de guerre ; les comédies musicales et les films germanophones étaient plutôt la marque de fabrique du Plaza, et le Capitole et le Majestic garantissaient plutôt des œuvres cinématographiques de qualité et des dessins animés Disney très appréciés. Les films B à petit budget étaient diffusés par les cinémas Rex et Select. D'autres salles de cinéma comme le Vooruit étaient non seulement plus populaires, mais la programmation était souvent plus idéologiquement orientée.
Au fil des ans, cette "ségrégation" dans le monde du cinéma gantois s'est atténuée. Et cette étiquette a complètement disparu lorsque le premier complexe cinématographique multiplexe a ouvert ses portes à Gand. L'arrivée du Decascoop avec ses 12 écrans et plus de 3100 places assises - désormais de vrais sièges plutôt que des chaises pliantes en velours - a bouleversé considérablement le paysage cinématographique. Cela a signifié la fin pour de nombreuses salles, surtout dans la Velstraat. Les salles de cinéma ont été transformées en magasin (Majestic), centre commercial (le Century et le Select), salle de théâtre-variété (Capitole) ou ont même simplement brûlé dans des circonstances suspectes (Leopold). Quoi qu'il en soit, ce qui restait des salles se spécialisait alors dans des genres alternatifs et avant-gardistes comme le Studio Skoop, ou dans l'érotisme comme l'ABC.
Sauvons le Rex
Caché derrière les hauts arbres de la place Maria-Hendrika, se trouve un bâtiment abandonné qui se distingue par sa façade rétro iconique avec de grandes baies vitrées surmontées du squelette de trois immenses lettres au néon rouge : R, E et X. Ce sont les vestiges de l'un des plus petits cinémas que Gand ait jamais comptés.
Le bâtiment du Cinéma Rex a ouvert ses portes en 1933 et a fonctionné pendant des années comme salle de cinéma. Le Rex était populaire auprès des amateurs de courts-métrages à petit budget et des voyageurs en train en raison de sa situation près de la gare de Gand-Saint-Pierre. Peu après sa fermeture en 1982, le bâtiment est devenu un casino, mais il est resté vide et délabré pendant un certain temps, devenant même un squat. Le groupe d'action local "Sauvez le Rex" plaidait depuis longtemps auprès de la ville pour sauver le bâtiment, mais la propriété n'était pas à vendre. Heureusement, cela a récemment changé.
L'ancien cinéma aura donc bientôt une seconde vie grâce à la ville. Sogent, l'entreprise de développement urbain, a acheté l'ancien cinéma en décembre 2023 pour près de 1,2 million d'euros et l'a fait reconnaître comme patrimoine. La façade et la salle de cinéma sont désormais protégées, tout comme l'intérieur qui compte de nombreux éléments authentiques de style Art déco. Le plafond de la salle était orné d'un dôme bleu parsemé de petites étoiles. L'illusion d'un ciel nuageux en mouvement était renforcée par des "brenographs", des projecteurs équipés de disques tournants avec des nuages dessinés. Le revêtement mural était composé de représentations en relief de paysages urbains. La salle de cinéma du Rex avait un système de ventilation, offrant ainsi un soulagement bienvenu par rapport aux salles souvent surchauffées et enfumées de l'époque. Les travaux de rénovation sont estimés à 1,7 million d'euros, des coûts qui seront partiellement récupérés grâce à des subventions flamandes.
Le Rex est un bâtiment particulier conçu par l'architecte gantois Geo Henderick. Il a également conçu le Ciné Palace près du pont Saint-Michel (plus tard le Sphinx) et la maison des directeurs iconique à la Terneuzenlaan. Il était également responsable de la rénovation du Colisée sur la Kuyperskaai. Dans les années 1950, l'architecte gantois Frans Merlé a modifié l'intérieur de la salle Rex dans un style sobre et épuré.
Selon la ville, le bâtiment a beaucoup de potentiel par analogie avec le Wintercircus. L'intention est de faire du Rex une nouvelle attraction dans la ville. Plusieurs pistes sont envisagées. La ville envisage d'y installer le FilmFest Gent. Ce festival est le plus grand du pays et doit continuer à mettre Gand sur la carte en tant que ville du cinéma. La ville pense également à un "Maison du Cinéma", un musée et centre éducatif pour la Flandre, un concept concret pour offrir une plateforme où les activités cinéphiles peuvent être réunies dans un cadre professionnel et historique. La collaboration avec d'autres institutions culturelles comme le KASK, le Conservatoire, le MIAT, Film Plateau et Art Cinema OFFoff fait également partie des possibilités. Enfin, le nouveau bâtiment doit évidemment donner un coup de boost au quartier de la gare.
Hier le Wintercircus, aujourd'hui le Cinéma Rex et demain une Opéra de Gand renouvelée... Les Gantois ne sont en ces temps difficiles nullement des barbares culturels !
